Je me souviens de cette soirée comme si c'était hier. C'était il y a deux ans jouir pour jouir.
Je venais de remporter le championnat du monde de cunnilingus pour la troisième fois consécutive face à une foule hystérique — voire féminine.
L'émotion était palpable, à l'image du corps délicieux de ma partenaire orgasmique dénudé de toutes ses tensions nerveuses.
Libéré délivré, son corps ne mentirait plus jamais. Pas même dans la zone la plus vibratoire de son anatomie.
Sur la route du vertige, son équilibre émotionnel ne tenait plus qu'à un fil, celui de mon actualité.
La maîtresse de cérémonie était en transe, admirative face à ma langue profondément moderne et sa détermination sans failles.
Il faut dire que j'y étais allé de bon cœur tout au long de l'exercice. J'étais éreinté mais soulagé d'avoir été à la hauteur de l'événement bien qu'il fût intimement dirigé en-dessous de la ceinture.
Tous les chemins mènent à l'arôme, surtout s'il est à l'origine du monde.
Elle avait encouragé le public à me réserver une Standing ovation sans précédent, exaltée par ma prestation très inspirée — et expirée.
Tout le monde attendait mon discours, sans doute pour vérifier si j'avais la langue aussi bien pendue en amont qu'en avale.
Il me fallait garder mes dernières ressources afin de terminer la soirée en beauté, au minimum. L'exercice n'était guère facile, surtout avec des perles lacrymales aux coins des yeux et du liquide séminal aux bords des lèvres.
Indépendamment de ces circonstances techniques un brin délicates, mes mots furent les suivants :
"Je tiens d'abord à remercier ma mère sans qui je ne serais pas là. Ne viens-je pas de là où je me suis frayé un chemin aujourd'hui ? Ce retour à la source si pure et cyprine ne tombe-t-il pas sous le sens? Grâce à elle j'ai toujours vu la grâce en elles, les femmes. De là en coule et découle mon admiration pour la cavité des cavités, celle qui dans un sens comme dans un autre garantit le bonheur absolu. Si je le pouvais, j'y vivrais. Je me ferais anthropologue vaginal dans l'espoir d'en déchiffrer tous les codes sensoriels. J'irais creuser jusqu'à plus soif dans ce puits de savoir réduit à sa plus simple expression depuis la nuit des glands par des hommes sans fond.
Aurais-je pour autant réponse à trous ? Rien n'est moins sucré.
Mais peu importe, j'y serais dans mon élément et je me ferais tout petit pour n'importe quelle poupée, et plus si infinité.
Je tiens également à remercier les femmes que j'ai aimé ou pire, celles qui m'ont aimé.
Elles qui m'ont fait confiance lors de mes expérimentations libidineuses, qui ont jugé bon de léguer leurs corps à ma science sans même savoir si j'étais diplômé en soins hospitaliers. Sans leur concours, je n'aurais pas remporté celui-ci.
J'en ai parfois bavé, certes, mais mes soucis s'évaporent en même temps que les autres liquides qui m'ont inondé de bonheur ce soir!
Cette victoire, c'est celle d'une langue qui n'est pas tout à fait morte et qui a encore de beaux jouirs devant elle."
Cette dernière phrase fit exploser la joie de la foule et les échos de cette folle nuit résonnent encore en moi au moment où je rédige ce texte empreint de nostalgie.
Jamais je ne m'étais senti surfer avec autant de grâce sur la vague du succès malgré mes titres précédents.
Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. Le sol s'est asséché jusqu'à me laisser pantois face à ses zones arides, abandonnées par toute humanité.
L'émulation a laissé place au vide émotionnel et je me demande si je suis toujours apte à remporter une telle victoire sur le fil de bave et tout au fond des choses.
Ai-je encore cette passion pour l'escalade des sentiments, ce vertige ascensionnel, ce voyage musculeux au cœur du petit capuchon rose ?
La réponse, je l'ai sur le bout de la langue.